Adoption d’une fratrie de 4 et 6 ans en Haïti

Adoption d’une fratrie de 4 et 6 ans
Pays : Haïti
Prénoms : Sophonie et Elysée
Arrivés le : 23/07/2008

 

« Nous sommes mariés, sans enfant biologique, notre belle histoire commence en Décembre 2005 date à laquelle nous déposons notre dossier en vue d’une adoption internationale pour une fratrie de coeur ou de sang. Au bout de onze mois de procédure, le 16 novembre 2006, l’agrément pour un ou deux enfants âgés de un à soixante douze mois nous est notifié.

Sésame en poche, nous nous empressons d’envoyer notre dossier accompagné d’une lettre de motivation à Médecins du Monde qui refuse, sans surprise, et sans explication notre candidature. Nous préparons un nouvel envoi pour une O.A.A, le courrier, bien que déjà timbré ne partira jamais. Notre coeur est ailleurs…

Depuis le début de notre démarche, une amie nous parle d’Haiti. Nous sommes un peu réticents à l’idée de partir là bas sans la rassurante logistique d’une O.A.A., mais l’idée d’être parents de petits haïtiens avait déjà fait son chemin.
Nous avons eu un premier contact téléphonique avec une crèche de Port au Prince, la Maison des Anges. Après un bref descriptif de notre histoire, la Directrice, est d’accord pour nous apparenter.

 

Le 29 Mai 2007, 21 heures, grande nouvelle, un message avec pièce jointe arrive sur notre ordinateur. Fébrilement, un “clic” sur le petit trombone et là… nos petits nous apparaissent.

Nous découvrons enfin le visage de nos enfants. Ils sont là, avec leurs beaux habits et ils nous semblent si inquiets, si vulnérables, si petits… Dieu qu’ils sont beaux !!!

A cet instant nous sommes parents, un mélange de joie et d’excitation s’empare de nous. Une vague d’amour nous inonde, ils sont bien là, tout à nous, ils nous attendent!!
Nous avons passé la fin de la soirée à envoyer des emails, nous sommes allés voir les futurs grands parents avec les photos toutes fraîches, un moment inoubliable. Les jours suivants une autre attente commence.

La procédure suit son cours, nous reprenons nos habitudes, nos activités. Nous sommes habités par les enfants, pas un jour sans penser à eux, pas un jour sans nous projeter dans cette future vie à quatre. Nous nous inscrivons sur un forum de discussion et d’entre aide animés par des parents adoptants à la Maison des Anges.

L’attente prend alors une nouvelle tournure. Nous pouvons par le biais des parents qui partent pour Haiti, faire passer des colis à Sophonie et Elysée. Aux retour les familles mettent en ligne des photos, des films , des infos sur nos petits. Le lien se renforce à chaque fois un peu plus.

Nous sommes déjà fin juin 2008, la procédure suit son cours. Nous sommes impatients mais sereins. Après de savants calculs, nous projetons notre départ en Octobre ou Novembre 2008. Nous avons le temps…, les vacances scolaires arrivent, nous préparons notre petit séjour à l’océan, nous continuons notre traintrain habituel accompagnés par la douce présence des petits.

Le 11 Juillet, “LE MESSAGE” arrive, l’Ambassade de France à Haiti nous donne le feu vert. Nous pouvons aller chercher nos enfants. A partir de cet instant, tout va très vite. Nous sommes excités, heureux, mais l’ampleur de la tâche avant le départ nous fait paniquer. Il nous faut réserver les billets d’avions, réserver une chambre chez la logeuse à Port au Prince, faire les valises et surtout …préparer la chambre des enfants !! Ce week-end du 14 juillet est consacré à l’achat des lits, des armoires, au montage des meubles, à l’achat du linge. Toute la famille est mobilisée, nous sommes enfin près.

 

Nous partons de PARIS ORLY le Vendredi 18 juillet, par le vol Air Caraîbes de 10h10 destination : Pointe à Pitre, puis … Port au Prince !!!

Dans quelques heures notre vie va basculer, nous partons à deux, nous allons rentrer à quatre.

Plus rien ne sera désormais comment avant. Les enfants vont-ils nous accepter ? Nous attendent-ils ? Allons-nous être à la hauteur ?

Nous mesurons à cet instant le poids des responsabilités tout en étant baignés par un indicible amour pour ces deux petits êtres là-bas, si dépendants de nous désormais…

 

Nous arrivons à Port au Prince à 18h30, heure locale, il fait déjà nuit dans les Caraïbes.

Nous avons du mal à réaliser ce que nous vivons, les enfants sont à quelques kilomètres de nous, sûrement endormis. Nous ne ressentons pas la fatigue, nous oublions les 8 heures de décalage horaire, une fois la douane passée nous entrons dans notre nouvelle vie , notre vie de papa et maman.

Sachant que les enfants sont couchés, à quelques pas de nous, juste derrière la grande clôture nous décidons de ne pas les réveiller et d’aller à leur rencontre que le lendemain matin.
Là nuit est longue, blanche et … chaude . Des chiens errants aboient au loin, la rue s’anime de voix et de chants créoles, nous ne rêvons pas, nous sommes à HAITI, et demain est le grand jour !

Le 19 Juillet 2008, 9 heures du matin, nous partons pour la crèche. C’est l’estomac noué que nous franchissons la petite porte rouge que Sophonie et Elysée ont franchie avant nous en Avril 2007. C’est chargé d’émotion, les larmes au bord des yeux que nous pénétrons dans l’univers de nos enfants. Une petite cour, des enfants partout, un mélange de cris, de pleurs, des enfants qui jouent entre eux, d’autres qui se précipitent sur nous pour des câlins, d’autres qui s’emblent errer, le regard vide. Notre coeur est gros, nous découvrons le cadre de vie de nos enfants. La petite balançoire bleue d’Elysée, le petit tourniquet … On nous appelle, la rencontre est imminente !!

La nounou nous conduit à l’étage, Sophonie est là, toute belle, toute petite, nous nous reconnaissons, mais elle a peur c’est sûr. Docile elle vient dans mes bras en murmurant un tout petit “Claudie”. Je lui fais un gros câlin, il ne faut pas que je pleure, il ne faut pas que je l’effraie, elle ne comprendrait pas.

Elle est là dans mes bras, elle ne m’enlace pas, mais ne me fuit pas. Je découvre son odeur, son grain de peau, le timbre de sa voix. Je suis sa maman, elle est ma fille c’est dès cet instant une certitude.

Nous lui donnons le petit sac à dos que nous lui avons acheté un sourire éclaire son joli visage, elle s’empresse de le mettre sur ses épaules et nous accompagne vers Elysée qui nous attend, sagement, assis sur sa petite chaise en compagnie de sa nounou. Il est tout propre, tout beau .Petit oiseau tombé de son nid, il nous regarde avec ses grands yeux, si expressifs.

Il n’a pas l’air de comprendre. Sophonie lui parle, Il vient dans nos bras, lui aussi peu rassuré.

Nous rentrons chez la logeuse, les enfants nous accompagnent, courageux petits bouts d’hommes, ils savent qu’ils vont passer leur première nuit avec nous .Si à cet instant la peur les a envahis, nous n’en avons rien su. Ils ne nous quittent pas. Nous observent, cherchent les câlins. Ils ont faim, ils ont soif, ils semblent épuisés par les privations, ils ont la diarrhée.

Il fait chaud, très chaud. Je suis malade, j’ai la migraine, je vomie, impossible de me lever. Pierre est de suite dans son rôle de papa, il change, lave, câline les enfants à tour de rôle, rassure Sophonie qui pleure. Je suis fière de lui.

Nous quittons Port au Prince le 22 Juillet 2008, demain nous serons chez nous…

Nous arrivons en famille à Paris Orly. Les regards sont bienveillants. Une douanière nous dit même être émue par les deux petits assis sagement sur la valise. Nous sommes tous les quatre épuisés. Il nous tarde de rentrer, mais il nous faudra attendre le lendemain. Notre correspondance pour Toulouse est annulée.

Nous prenons une chambre d’hôtel, et telle une famille ordinaire nous nous installons. Les petits sont fatigués et ont toujours la diarrhée. A tour de rôle nous les changeons, nous les passons sous la douche. Ils réussissent à s’endormir, le papa décide de prendre un bain réparateur et s’endort bruyamment dans l’eau. Les petits sont un peu agités dans leur sommeil, je ne dors pas, je veille sur ma tribu et je suis heureuse, épuisée mais heureuse.

Le lendemain nous sommes à Albi, la famille nous attend. La rencontre est un grand moment. Les petits sont surprenants. Ils ne semblent pas effrayés. Ils vont, ils viennent avec les uns avec les autres sans toutefois trop s’éloigner de nous.

Nous formons maintenant une vraie famille. Les enfants ont pris possession de leur chambre. Ils partagent la même pièce dans laquelle se trouvent deux lits superposés. Ils ne jouent pas avec les jeux que nous mettons à leur disposition. Ils cherchent en permanence notre présence, restent dans la même pièce que nous, nous suivent partout. Au moment de la préparation des repas l’angoisse les assaille. Ils restent là tout près, assis parfois à même le sol à attendre le moment de passer à table. Leur regard en dit long. Plus rien ne semble avoir d’importance, comme coupés du monde, ils attendent. Manger est leur priorité.

Le congé d’adoption nous permet de passer tout notre temps avec eux. Nous nous apprivoisons.

 

Nous sortons en famille, et au cour de nos balades, ils semblent tout découvrir. Ils ont peur de marcher dans l’herbe, ils ne connaissent pas la sensation du sable qui roule sous leurs pieds et ne veulent pas jouer avec. Ils découvrent les animaux, le chant des oiseaux. A l’extérieur ils ont du mal à s’orienter.

L’espace les rend anxieux. L’endormissement est difficile et les nuits sont agitées.

Les jours passent, ils parlent peu, mais un langage non verbal nous renvoie tout leur mal être, toutes leurs inquiétudes.

Je les regarde évoluer, ils ont des signes de vie encourageants : des ébauches de jeux, des rires entre eux, des câlins plus pressants…

Je suis malgré tout très inquiète. Je n’ose pas me l’avouer et encore moins en parler à mes proches qui ne comprendraient certainement pas; je n’éprouve rien pour mes petits.
La magie n’opère pas. Suis-je faite pour être mère ? Et si j’avais fais une erreur ? Je pensais avec naïveté que le seul fait d’être maman imposait, de facto, la naissance du fameux et si attendu lien affectif. Cruelle désillusion, et grande panique. La psychologue de l’ASE, d’une écoute bienveillante, me rassure.

Je ne suis pas un cas isolé. Je fais tout naturellement un “Baby Blues”.

Les jours, les mois ont passés. Tout est maintenant rentré dans l’ordre. Sophonie et Elysée sont scolarisés à l’école maternelle depuis le mois de septembre 2008. Ils ont tous deux rattrapés le niveau de leurs petits camarades. Sophonie passe en CP, et son frère en moyenne section. Ils ont une soif d’apprendre, sont très curieux et Sophonie fait preuve d’une étonnante maturité. A leur demande, ils vont pendant les petites vacances et les mercredis au centre de loisir. Ils ont gardé de leur année de crèche le goût pour la vie en collectivité. Ils ont l’un et l’autre une activité extrascolaire et ont ainsi leur vie sociale après avoir pris leurs repères au sein de leur nouvelle famille. Sophonie qui, dès le début, a été actrice de son adoption a rassuré et entraîné son petit frère vers sa nouvelle vie.

Ils dorment maintenant chacun dans leur chambre, les nuits sont paisibles, sans cauchemar agité.

L’appétit s’est stabilisé et ils ont découvert le plaisir de manger.

Les enfants grandissent au sens propre comme au sens figuré et bien que leurs rapports restent encore très fusionnels, une seine jalousie anime parfois bruyamment nos journées.

Notre projet a été dès le départ d’avoir deux enfants et onze mois après nous ne regrettons rien. La fratrie nous entraîne dans sa dynamique et à quel rythme !!!

Sophonie et Elysée rayonnent et chaque jour qui passe nous apporte sa dose de bonheur.

Nous nous repassons en mémoire, de temps en temps, juste par gourmandise, le film du chemin vers nos enfants. Les bons moments , les émotions ressurgissent, et viennent confirmer que au terme d’une procédure que l’on peu qualifier de courte et sereine, l’arrivée de nos petits est bien la plus belle chose qui ne nous soit jamais arrivée. »

Pierre et Claudie,